Ils partagent avec leurs collègues la passion du service. Ils ont la même chaleur, le même sourire serein, l’attention au détail … Pourtant ils ne peuvent ni entendre ni dire le moindre mot. Rencontre avec Kunal Kurreah et Kishan Heeramun, deux jeunes sourds-muets qui contribuent, comme les autres, à faire avancer l’industrie.

Kunal Kurreah, Hilton Resort & Spa de Flic-en-Flac : « Un bout-en-train au bar » 

Cela ne fait qu’un an que Kunal travaille au back bar du restaurant Les Coquillages, au Hilton Resort & Spa. Et déjà, ce jeune Curepipien de 19 ans, plein d’entrain, se dit pressé d’explorer les différents métiers de l’hôtellerie. Les débuts n’ont pas été faciles pourtant. sourd profond depuis sa naissance,

Kunal est sourd profond depuis sa naissance. « Après ma scolarité à l’Association de Parents des Déficients Auditifs (APDA), je suis entré à l’École Hôtelière Gaëtan Duval sans vraiment penser où ça me mènerait. Quand une offre d’emploi s’est présentée au Hilton, j’ai pris peur :  est-ce que je pouvais m’engager dans le ‘monde des entendants’ ? J’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai parlé à mes amis. Ils ont cru que c’était une blague », raconte. Mais il est bel et bien retenu pour le poste.

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Les premiers mois, le jeune homme a du mal à communiquer avec ses collègues qui n’ont aucune notion du langage des signes. Les exigences sont strictes et le volume de travail pesant. Pour communiquer, ils se débrouillent avec le pointage, les gestes ou encore les sms. Avec le soutien de ses proches et de ses collègues, il prend rapidement ses marques et, petit à petit, se fait une place dans l’équipe, qui ne cache d’ailleurs pas son estime pour le jeune homme.

« Il n’y a rien à lui reprocher, c’est un vrai bosseur. Il met tout son cœur dans son travail, et le fait parfois mieux que quiconque. Au début nous l’avons beaucoup encadré, maintenant il se débrouille seul. Il apporte beaucoup de joie et participe à toutes nos activités, il est très actif dans le restaurant. D’ailleurs, il a récemment aidé l’une de nos stagiaires, également sourde-muette, à s’intégrer à l’équipe », dit Mitrasen Raggoo, Restaurant Manager.

Heureux où il est, malgré les baisses de moral çà et là causées par les difficultés de communication, il souhaite néanmoins explorer d’autres avenues, le Housekeeping ou encore la Cuisine, par curiosité, pour s’épanouir davantage et trouver sa voie. L’air déterminé, le jeune homme dit donner le meilleur de lui-même car il doit aider sa famille. Mais il a aussi ses projets personnels : il économise un peu chaque mois afin de pouvoir fonder lui aussi une famille le moment venu. Pas avant d’avoir visité quelques pays et d’avoir complété un projet qui lui tient à cœur :  des leçons de conduite…

 

Kishan Heeramun, Zilwa Attitude : « J’ai une grande soif de connaissances »

Fraichement sorti de la branche de la Society for the Welfare of the Deaf (SWD) de Goodlands, Kishan, sourd profond de naissance, s’est offert quelques mois d’insouciance. Comme bien des jeunes de son âge, il passait ses journées entre le foot et les réseaux sociaux. Depuis février, son rythme de vie a changé.

« Ce sont mes parents qui m’ont encouragé. Par l’entremise du Training and Employment of Disabled Persons Board, j’ai eu une première rencontre avec l’hôtel. Comme j’aime la cuisine, on m’a proposé un poste en chambre froide afin d’aider à la préparation des plats », nous raconte le jeune homme. « J’avais des appréhensions ; qu’ils soient trop sévères, qu’on ne me comprenne pas, que je ne sache pas comment m’y prendre … mais j’ai été très bien accueilli. Comme je n’ai pas de formation académique, j’apprends sur le tas. J’apprends énormément tous les jours. Les techniques mais aussi la rigueur, la ponctualité, l’hygiène et surtout la discipline », dit-il.

Au début, ses collègues ne réalisent pas sa différence. Certains l’abordent naturellement pour bavarder. Le fait de ne pas être traité différemment lui plait, mais il lui faut trouver une astuce pour éviter la confusion. Il imagine une petite note pour se présenter. S’ensuivent quelques gestes et bientôt une vraie communication s’installe. Bien que ses collègues ne parlent pas la langue des signes, Kishan arrive à lire sur les lèvres et s’adapte très rapidement.

« On travaille dans un contexte visuel, cela a beaucoup aidé pour l’encadrer. Il a été très bien accueilli par l’équipe et s’est vite intégré. Il a à peine une vingtaine d’années mais il arrive à faire face aux exigences du métier. Avec sa passion pour la cuisine et son désir d’apprendre, il a de l’avenir.  Il est d’ailleurs très performant, plus que beaucoup. Pour nous, il n’est pas différent des autres membres de l’équipe », nous explique XXX Babbo, Executive Chef.

Le rythme de vie de l’hôtellerie ne lui laisse pas beaucoup de temps, et il regrette de ne pas pouvoir garder contact avec ses amis de la SWD, mais Kishan dit recevoir énormément de ce nouveau cadre de vie. A tel point qu’il est bien résolu à se perfectionner et attend vivement une opportunité de poursuivre ses études à l’École Hôtelière.