C’

est un fait : les hôtels qui ont un Revenue Manager sont plus performants. Pour Tobi Kuhlang, l’hôtellerie locale n’a pas encore pris toute la mesure des bénéfices que peut lui apporter ce métier, encore tout jeune. 

Le 11 septembre 2001 aura été en quelque sorte un tournant dans sa carrière. Alors Responsable de la réservation au Holiday Inn de Londres, Tobi Kuhlang se retrouve face à un défi : 300 chambres se vident d’un coup. L’équipage d’American Airlines refuse d’être hébergé dans une tour de 27 étages… Comment combler ce manque à gagner ? Comment anticiper de tels risques ?

C’est le déclic : Tobi se dit que gérer le remplissage de l’hôtel, c’est bien, mais imaginer des stratégies pour optimiser le chiffre d’affaires dans un univers si rempli d’incertitudes, c’est encore mieux. Il s’intéressera dès lors au Revenue Management et accumulera, les dix années suivantes, une solide expérience en Europe, avant de se joindre à LUX* il y a quatre ans.

Metiers-tobi« Notre rôle consiste à trouver la meilleure équation possible entre le produit, les services et le pouvoir d’achat du client, explique-t-il. C’est analyser toutes les sources de revenus, jongler entre le taux d’occupation et le tarif le plus juste en s’ajustant à la demande. Pour faire simple, celui qui réserve une chambre à 200 euros n’est pas forcément moins intéressant que celui qui en paie une à 300 euros, si le premier est prêt à dépenser 800 euros dans les services de l’hôtel. Il s’agit de pouvoir l’anticiper et de s’assurer que l’offre de services est à la portée du client ciblé », explique-t-il.  

La première qualité d’un RM est donc sa son esprit de synthèse, sa capacité à avoir une vue holistique. Au carrefour des grandes fonctions de l’hôtellerie, il joue le rôle de consultant interne pour les départements de ventes et de marketing, tout en étant une sorte d’auditeur pour les opérations. « Cette façon de voir le big picture est une compétence que l’industrie dans son ensemble doit encore développer. Nous sommes très bons dans la gestion des revenus des chambres, mais pas encore dans celle des revenus totaux », pense-t-il.  

Une rivalité quotidienne

C’est chez Accor que Tobi développe cette aptitude de logisticien, indispensable au Revenue Manager. Les sites de réservation en ligne (OTA) sont en plein essor. VP Indirect Sales and Payment Systems, il est appelé à connecter les systèmes de réservation et de paiement des 4000 hôtels d’Accor à ces sites. Aujourd’hui encore, les OTA continuent à dessinent les lignes du métier…

Tobi doit arbitrer au quotidien la « rivalité » entre les sites de réservation en ligne et les tour-opérateurs. « Ce sont deux modes de gestion très différents, deux types de clients qui ont des modes de dépense très différents. Il faut jongler et choisir. L’univers virtuel est plus complexe, mais offre plus de flexibilité. Je peux par exemple, avec les OTA, intervenir sur la durée minimum de séjour et les prix », dit-il.

Pour le faire, une certaine aisance en informatique s’impose. Responsable du Revenue Development pour toute la région EMEA chez HIG puis au niveau global pour Accor, Tobi y a développé des outils informatiques spécifiques au yield management et adaptés à des hôtels de réalités différentes. « C’était un va-et-vient entre différentes régions du monde, des ‘étape hôtels’ aux 5-étoiles, pour rapporter les best practices des uns et des autres, et trouver des process qui facilitent la prise de décision », raconte-t-il.

A côté de ces compétences hautement techniques, il faut encore au RM un certain pouvoir de persuasion. « Nous faisons le trait d’union entre la Stratégie, représentée par le GM, les Ventes, le F&B, le Marketing, que l’on réunit autour d’une table une fois par mois. Avec l’apport de chacun, nous identifions le potentiel pour les mois à venir. Il faut ensuite les convaincre : une offre spéciale doit être poussée en ligne à telle période, les opérations doivent gagner en efficacité, tel segment doit être exploité… C’est le rôle du RM, qui a une vue d’ensemble, de défendre l’intérêt de ses solutions », explique Tobi.

Le sens des affaires

Chaque destination a ses subtilités, auxquelles le RM doit s’adapter. « Nous sommes toujours dans l’anticipation, dans l’analyse des conditions macro-écononomiques, politiques et sociales du marché. Si en Europe, le RM travaille sur une perspective de trois mois, à Maurice, il doit le faire sur six-neuf mois. Les clients préparent bien plus tôt leur séjour, qu’ils paient de leur poche et de manière conséquente… tout cela influence la prise de décision du client, et nos stratégies », dit Tobi.

Plus stratégique en saison haute, plus créatif en saison basse, le RM mobilise différentes qualités selon la saison. En peak season, l’enjeu est de faire la bonne affaire, éviter que les moins bons clients ne bloquent la place des bons, en espérant que les bons viendront, ce qui n’est pas toujours le cas. En saison basse, il faut inventer des idées pour stimuler la demande.

Pour un poste requérant tant de compétences, de quel parcours académique doit-on disposer ? Si Tobi y est arrivé par le biais de la Réservation, qu’il intègre après un Bachelor in Hospitality en Suisse, il pense que ce ne doit pas être la voie privilégiée. « Un bon Reservation Manager ne fait pas forcément un bon Revenue Manager… Il faut surtout avoir le sens des affaires. » Et si ce business thinking est bien affûté, les perspectives de cheminement de carrière peuvent se révéler intéressantes. « C’est un parcours qui mène, dans bien des cas, à la direction générale », dit Tobi.

Légende : Tobi Kuhlang est Head of Global Revenue pour le groupe LUX*